La tante Jeanne
La tante Jeanne et le tonton Paul, ce sont d’une part les seuls
aïeux d’un milieu bourgeois que je me connaisse. Mais c’est
aussi une histoire d’amour étonnante entre Paris et La Châtre, en
pleine première guerre mondiale, entre deux personnes que
tout semble éloigner.
Jeanne Hehner est née à Paris le 16 juin 1888 à l’Hôpital
Saint-Louis, situé au 40 rue Bichat. Dès le mois de juillet de la
même année, elle est prise en charge par l’assistance sociale.
Son acte de naissance précise que sa mère est femme de ménage,
tandis que son père n’est pas dénommé.
Jeanne est confiée loin de la capitale à une famille de l’Allier,
en Auvergne. Ce couple a perdu accidentellement 3 adolescents sur ses
quatre enfants. Suite à ces deuils successifs, ils adoptent trois
nourrissons, trois petites filles. Dont Jeanne Hehner en 1888.
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Jean Guillien, le père de Jeanne, devant sa ferme à Ouches (Allier) |
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Mémé Guillien devant sa grange en 1930 |
Alors qu’elle est jeune fille, Jeanne retourne à Paris pour
travailler comme bonne chez une vieille femme et sa mère. Ces
dernières louent l’une de leurs chambres à un élève en
pharmacie, Paul Rouet. Son père, Gustave Rouet, possède la
pharmacie Rouet de Paris et également la pharmacie Rouet de La
Châtre. Il est maire de cette petite commune de l’Indre de 1900 à
1919.
Un jour, les parents bourbonnais de Jeanne voient débarquer dans
leur village une belle voiture qui s’arrête devant chez eux. Ce
sont les deux vieilles filles de Paris, les patronnes de Jeanne.
Elles viennent alerter les parents, car elles se sont rendu compte
que leur locataire et leur bonne se fréquentent.
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En-tête d'une ordonnance de la pharmacie Rouet de La Châtre |
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Façade de la pharmacie Rouet de Paris, 18ème, 33 bis rue Poulet |
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Boîte de "pilules Rouet" calmantes et curatives commercialisées par la famille Rouet |
Mais rien de fâcheux n’arrive. Au contraire, contre toute attente,
Jeanne et Paul se marient le 30 avril 1914 à Paris, à la mairie du
13ème arrondissement. L’acte de mariage indique qu’ils vivent
ensembles, au 10 rue Coypel. Cette adresse est située à 200 mètres
de la mairie.
Les parents de Paul et son frère Gustave sont présents. Il n’est
pas fait de contrat de mariage. Jeanne n’est pas enceinte.
Elle a 26 ans et Paul 29, la première guerre mondiale éclate dans
3 mois.
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Mairie du 13ème arrondissement de Paris en 1877 |
Paul Rouet est affecté à la 9ème section d’infirmiers militaires (SIM).
Les infirmiers militaires doivent aller chercher les blessés sous le
feu pour les ramener sur des brancards. Fréquemment quand il n’y a
pas de brancard disponible, ils empoignent une simple toile de tente
aux quatre coins. Si leur partenaire brancardier prend une balle
pendant l’assaut, ils sont bien embêtés pour continuer la tâche.
Le registre matricule de Paul nous donne quelques informations :
il mesure 1m69, ses cheveux, ses sourcils et ses yeux sont noirs, son
visage est ovale.
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Paul Rouet |
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Paul en uniforme |
Pendant ce temps, Jeanne travaille à la pharmacie.
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J.H avant 1914 |
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Pendentif en or ayant appartenu à Jeanne, cadeau de Paul |
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Traditionnellement, le lierre est symbole de fidélité et de vie éternelle |
Paul Rouet survit finalement à la première guerre mondiale et retrouve sa
jeune épouse.
Leur histoire et sa fin heureuse a de quoi surprendre : en
1914, une jeune fille sans parents et sans fortune, un jeune homme
bien né, et surtout, un entourage qui semble bienveillant à l’égard
de cette union. Parfois les belles histoires n’arrivent pas que
dans les films...
Paul avait réussi à faire retrouver l'identité de la mère de Jeanne, grâce aux moyens financiers dont il disposait. Mais Jeanne ne souhaita jamais rencontrer sa mère biologique.
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Jeanne, février 1917 |
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août 1921, Pornichet ; Paul, Jeanne (assise) et deux nièces de Paul |
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Jeanne, même lieu, même année |
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Paul, même lieu, même année |
Très jolie histoire ❤️
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
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