Partir au Canada sans billet de retour 🍁
Ne demandez pas pourquoi, ni combien de temps. La réponse risque d’être vague. Toujours est-il qu'au printemps, nous voilà débarqués à deux à Montréal dans une auberge de jeunesse près du port, avec environ 7 kilos de bagage dans nos sacs à dos. L. et moi, nous avons une réservation pour dix jours, le temps de trouver un logement plus durable. Vivre dans un dortoir mixte de six personnes en attendant, ça peut paraître folklorique, mais bizarrement, on s'habitue. Si les gens étaient propres, les espaces collectifs suffisamment grands, et l'auberge située ailleurs qu'au-dessus d'une boîte de nuit, ça pourrait même être pas mal…mais les soirs où le club du dessous est ouvert (un bar à champagne, pour être précis), l’armature en métal de nos lits triple superposés vibre sur elle-même (avec des boules quiès, ça ne m’empêche quand même pas de dormir). Les chambres, les douches, les toilettes sont mixtes. Comme on pourrait s’y attendre, ces espaces communs ne reluisent pas de propreté. Mais le jour où, en sortant de la douche, je vois un jeune cracher son énorme molard dans un évier avant de s’en aller, je n’ai même pas le temps de me reprendre pour l’engueuler avant sa disparition. Le glaviot restera là quelques jours...
Sachant que tout ceci est provisoire, je ne m’en fais pas outre mesure. Mais je suis le témoin silencieux un matin de l’exaspération de jeunes mecs qui discutent entre eux dans les douches.
_ Non mais téma...téma le truc ! J’en peux plus de cette auberge de merde sérieux.
_ Qu’est-ce qu’il y a ? OH PUTAIN !
_ Les gens sont dégueulasses ! Sérieux j’peux plus, j’peux plus là !
Une fois qu’ils sont partis, et que j’ai fini de m’habiller, je sors de ma cabine de douche et jette un œil précautionneux là où ils étaient. Quelqu’un s’était rasé au-dessus d’un lavabo et avait laissé tous ses poils noirs et bouclés en vrac, telle une offrande à la collectivité. Bof, après le molard de l’autre fois...
Beaucoup de nationalités différentes se sont croisées pendant notre séjour : dans notre chambre, une jeune fille hispanophone qui parlait beaucoup au téléphone, un garçon allemand bien poli, des francophones. Une américaine extravertie (une américaine quoi) croisée devant un meuble à chaussures du couloir, qui m’a demandé mon prénom pendant que j’enlevais mes baskets (« Elsssa, oh, its’s sooo nice!). Oui oui, c'est gentil, laisse moi me déchausser...
Le plus embêtant dans nos débuts au Québec, c’est que nous étions tout le temps malades. Notre chambre empestait le linge mouillé des autres, la puanteur était à peine supportable en ouvrant la porte, mais on s’habituait une fois dedans. Une nuit, à force de tousser, j’ai vomi dans mon lit. Allo Montréal ! (Allo = Bonjour en québécois).
Dans la cuisine de l’auberge, je repère très vite M-L, une trentenaire française avec des lunettes rondes et une coupe afro qui est tout le temps en train de parler à quelqu’un en riant, où qu’elle soit, aux douches comme dans la cuisine. Elle a l’air de connaître tout le monde, mais en fait non, je comprends que c’est juste qu’elle aborde tout le monde. Ses conversations sont parfois gênantes, évidemment, c’est le risque de parler de la pluie et du beau temps avec chaque inconnu, on ne peut pas éviter les banalités...mais en revanche, elle capte toutes les informations utiles qui passent. Je trouve ça fascinant. Elle n’a aucune peur des silences ou des malaises. Je la vois procéder un matin dans la cuisine quand elle aborde un type immense, bronzé et musclé, style beau gosse brésilien. Je crois qu’elle commence par lui demander quand il est arrivé, puis la conversation suit sur le pays d’où il vient. Après avoir joué un peu du mystère, le jeune homme avoue être marocain.
_ Sérieux ? Tu vois, je te voyais plus...plus…
M-L cherche ses mots.
_ Plus tropical ? suggère-t-il avec un air canaille du plus bel effet.
Les gens capables d’aborder tout le monde comme ça doivent
rarement s’ennuyer, je les admire, mais c’est clairement
au-dessus de mes forces. J’en ai la preuve le matin où je déjeune
seule dans la cuisine et qu’un québécois d’origine indienne
m’aborde en anglais. Il s’appelle...Krishna. Il était en
Amérique du Sud et vient de rentrer il y a quelques jours. Sa masse
de cheveux ébouriffés, sa voix cool et son air épuisé dès potron-minet me
donnent l’impression d’avoir affaire à un sacré hippie. Ce
premier échange avec un anglophone me renseigne clairement sur mon
niveau réel d’anglais, quoi qu’en disent les test écrits : je comprends à peu près tout ce qu’on me dit,
mais je trouve difficilement mes mots.
C’est un enfer pour parler. Krishna
est sympathique, mais j’espère donc ne plus jamais le croiser...
Peu après, j’aborde la bavarde M-L aux douches pendant que nous sommes
toutes deux devant les miroirs et les lavabos.
_ J’ai entendu que tu te demandais les horaires de bibliothèque l’autre jour. Je suis allée à celle d’à côté, elle ouvre à 9h00.
_ Ah ok ! Parce que moi je suis allée à une autre, mais ils m’ont dit que je devais être étudiante pour emprunter, et…
En cinq ou dix minutes j’apprends d’où elle vient, quel genre de travail et d’appartement elle cherche, son âge...Dès lors nous allons nous tenir au courant de nos recherches d’appartements quand nous nous croisons aux lavabos.
_ Sur Marketplace t’as de ces gens pas fiables…
_ C’est des gamins de 17 ans qui sous louent leur appart’ en fait.
(...)
_ J’ai trouvé une coloc à Hochelaga !
_ Cool ! Nous un studio vers la bibli !
Un jour, je vois son visage dans un instant où elle se pense seule : son expression est totalement différente de d’habitude. Un peu mélancolique, un peu rêveuse, elle a l’air étonnamment plus jeune et fragile quand elle n’est pas en train de parler fort en riant avec tout le monde.
Lors de mon dernier matin à l’auberge, dans la cuisine, j’échange mon numéro avec elle et je lui dis de ne pas hésiter à me contacter plus tard. Mon numéro de téléphone canadien m’est désattribué un peu plus tard à cause de ma négligence.
Et je n’ai plus jamais eu de nouvelles de cette jeune personne.
boulot pas trop chiant
Nous
passons les deux premières semaines à prendre nos marques, faire
les musées, soigner notre grippe et ses récidives. Nous découvrons
les activités de la ville petit à petit pendant que le climat joue
au yoyo, et on écoute Ici Première sur un petit poste radio bleu et gris trouvé d'occasion . J'adore découvrir les
expressions québécoises : "Il est plus trop alerte sur ses patins", "il patine sur les bottines", "il est dans l'champ d'patates..."
Quelques activités locales que nous n'aurions sans doute pas faites chez nous : voir un match de hockey sur glace féminin, une démonstration de roller derby dans le quartier des spectacles, faire du patin à glace à l'Atrium 1000… Comme en Algérie, j'adore faire les courses dans les magasins du coin : les nombreux dépanneurs (petites épiceries), le super C (une enseigne low cost) où le grand jeu est de débusquer les promos hebdomadaires, l'IGA souterrain. Le Pharmaprix et le Jean Coutu sont des enseignes typiques qui font pharmacie, mais aussi tout plein d'autres choses improbables : j'en sors avec du chocolat à la menthe, du gel hydroalcoolique et un porte-document. Je n'hésite pas à acheter de la poudre à gelée (du jell-o) pour la modique somme d'1,79 dollars. Spoiler alert : le résultat est vert fluo et très sucré.
Contre toute attente, nous semblons réussir à faire des courses alimentaires sans nous ruiner. Le danger viendrait plutôt de la profusion de restaurants. Le quartier asiatique propose tout un panel de tentations, dont d'excellents dumplings frais chez Qing Hua. On aime aussi les cheeseburgers pas chers de chez Pool Room (paiement uniquement en espèce, salle souvent déserte, ambiance légèrement mafieuse), les burgers juteux de chez Allons Burger...
A cause du système de tips (pourboires) quasiment obligatoire dans les restaurants où il y a un service, l'addition augmente rapidement. Il faut toujours ajouter au prix affiché les taxes, et le cas échéant, les tips (minimum 15% de la note). On évite donc les restaurants avec service, et rapidement, on tourne un peu en rond parmi les enseignes bon marché qui font à emporter : ça revient souvent à manger des pizzas, des burgers ou chinois. On profite aussi des too good to go chez Abrakababra (cuisine méditerranéenne).
Un soir bien tard (quasiment tôt le lendemain), j’ai envie d’une glace. Je descends par l’ascenseur, traverse la rue Saint-Denis en plein quartier latin, et hop. Retour à l'appart avec une glace (une molle, comme on dit) dans chaque main : aller chercher ses crèmes glacées à pied en pleine nuit, une expérience inédite pour moi jusque là. Nous sommes aussi forcés de cuisiner, nous qui nous contentons généralement pour repas, chacun chez soi en France, d'un kiri sur une biscotte ou d'un sachet de mélange de noix...on parvient à faire du bouillon chinois au bœuf (inspiré d'un resto de Chinatown), des spaghettis bolo, des pâtes au pesto, des crêpes, du riz au lait, des fruits en gelée...quels chefs ! J'ai adopté certains produits du coin : les chips au concombre, les chips cornichon et aneth, le canada dry, la tourtière…
Les débuts, c'est aussi la découverte des différences avec la France dans la vie quotidienne : feux de signalisation, poignées de porte, rideaux de douche, chasse d’eau, bilinguisme, dress code...
Et aussi de la recherche d’appartement et de travail. Obtenir une simple visite d’appartement n’est pas une mince affaire pour deux étrangers qui n’ont pas encore de travail dans une ville en pleine crise du logement. Les bails au Québec sont signés pour un an et pas moins. Il n’y a pas de règle de préavis de trois mois comme en France, qui permet, si besoin, de quitter un logement en respectant un délai correct pour tout le monde. Le fric avant tout, les amis ! Si vous partez, vous payez tous les mois qu’il reste avant la fin du bail. Ou bien éventuellement vous vous débrouillez vous-même pour trouver quelqu’un à qui céder le bail. La plupart des offres concernent des colocations.
Nous nous tournons donc vers la sous-location, illégale et mal vue. Nous tombons sur de nombreuses annonces dont les auteurs ne nous répondent jamais. Certains mettent en avant comme un atout extraordinaire le fait que la chambre soit équipée d’une fenêtre : « Hi ! J’ai une chambre à louer, le loyer est de 780 dollars (514 environ euros) plus charges, mais c’est pas beaucoup l’été ! La chambre a une fenêtre !! ».
Grâce aux recherches acharnées de L., qui passe ses nuits sur facebook marketplace puis sur Kijiji nous trouvons (ou plutôt il trouve) un studio meublé au bout de cinq jours. Nous redécouvrons le plaisir des nuits tranquilles, et aussi de ne pas sentir une odeur de gras de côtelette crépitant dans la poêle dès 9h00 du mat. Cette aubaine inespérée, quasi miraculeuse, est un studio une pièce en plein cœur de la ville dans un énorme bâtiment de trois-cent unités. Une éphémère connaissance québécoise m’apprendra plus tard qu’il s’agit d’un bâtiment des années soixante qui était au départ un hôtel. Le hall d’entrée est étrange et mi-béton, mi-marron. Un escalier et un couloir donnent accès direct la station de métro Sherbrooke. L’immeuble dispose d’une piscine intérieure avec espace douche et jaccuzzi. Nous sommes tombés sur une québécoise pure souche qui cherchait à sous-louer pendant qu’elle part dans les Laurentides s’occuper de sa mère. Elle nous conseille d’être discrets et si nous avons besoin de quoi que ce soit, de l’appeler plutôt que de s’adresser au personnel du bâtiment. Et si jamais les voisins nous posent des questions, nous serons des amis français rencontrés pendant sa formation à Paris...Nous devons payer les quatre mois de loyer d’avance. Nous jouons avec un risque d’arnaque, de son côté comme du nôtre.
Une fois nos sacs à dos posés dans notre nouveau chez nous, L. regarde les offres d’emploi. Nous sommes face à de petites difficultés pratico-pratiques dès le départ : système décimal américain pour lui, clavier d'ordinateur en qwerty pour moi...avec un clavier canadien, mes textes se retrouvent truffés de fautes ! Et pour pallier ce problème je dois écrire à la vitesse d'un escargot. Très frustrant, et plutôt disqualifiant pour bosser dans l'administratif. De plus je regrette de ne pas avoir fait la démarche pour obtenir l'équivalence de mes diplômes avant d'arriver. Il semblerait que ce soit quelque chose d'assez important pour les emplois qualifiés. N'ayant pas fait non plus de visite médicale spécifique en France, je n'ai pas l'autorisation de travailler dans les domaines reliés de près ou de loin à la santé et aux enfants. J'ai gardé le tableur Excel de mes candidatures : six en bibliothèque, les autres en bureau, dans l'accueil ou la vente, treize au total. Trois propositions d'entretien : pour ce faible nombre de candidatures, ce n'est pas un résultat désastreux. Mais finalement, je vais finir par me lancer dans une activité free-lance inédite pour moi, qui va vraiment me plaire à de multiples niveaux et me servir pour toujours.
S’il y a une chose que j’ai bien réussi à Montréal, c’est de faire démarrer ma carrière dans le gardiennage d’animaux. Il faut dire qu'ici on vous fait vite confiance. On me remettait le double des clés de la maison après une discussion d'un quart d'heure. Tous les propriétaires m’ont fait des retours enthousiastes et m’ont sollicité pour revenir, mais au moment où j’aurais pu vivre chez des propriétaires de chats quasiment sans interruption, c'était déjà le moment de quitter Montréal.
Mon premier gardiennage était le plus exigeant : je devais m’occuper de Yuyu, grand spitz, très âgé, sourd, quasi aveugle, un peu sénile, trois médicaments par jour, nourri à la cuillère à soupe, équipé aux pattes avant de chaussures spéciales pour garder l’équilibre...Yuyu qu’il fallait porter dans l’ascenseur pour ne pas qu’il glisse sur le sol immaculé, et surveiller en promenade pour ne pas qu’il se cogne dans les murs...l’appartement était aussi habitée par deux chats : Daphnée, persane blanche au visage plat qui venait se coller dans mon cou dès que l’occasion se présentait, et Jaïna, siamoise bavarde, vive et intelligente qui avait appris à s’exprimer en appuyant sur les boutons d’une console pour activer un message vocal émettant au choix : "jouer", "câlin", "un snack"...Évidemment, le bouton le plus utilisé était de loin "un snack"…la plupart du temps elle me guettait depuis le couloir, perchée sur le dispositif, et appuyait sur le bouton à chaque fois que je passais.
C’était un peu de pression pour moi de savoir que le vieux Yuyu pouvait rendre l’âme à chaque instant de ma garde. Le matin, il se réveillait tard, et j’allais vérifier régulièrement s’il respirait encore. J’ai eu un moment de panique une fois où je ne le voyais nulle part dans l’appartement. On m’avait prévenu qu’il risquait de se coincer dans les meubles. J’ouvris la porte de la chambre un peu brusquement et j’entendis un bruit sourd. Le pauvre était échoué juste derrière et sa tête était à l’origine du bruit...
- Oh mon Yuyu ! Tétais là !
Il n’avait émis aucune plainte en se prenant la porte, comme à chaque fois qu’il se cognait quelque part. S’il était laissé sans promenade un peu plus longtemps que d’habitude, il ne pouvait pas s’empêcher d’uriner dans l’appartement et le danger était qu’il tombe dedans et ne puisse plus se relever. Une de mes absences ayant duré plus longtemps que prévu, un soir, j’en avais quasiment des sueurs froides en marchant le plus vite possible pour rentrer. Et s’il était mort ou en train de mourir ? Est-ce que j’allais retrouver ce pauvre spitz blanc agonisant allongé dans son urine, les deux chats commençant à lui grignoter les oreilles ? J’étais morte de honte d’avoir trainé en ville avec L. En sortant de l’ascenseur de la résidence, je me suis précipitée vers la porte d’entrée de l’appartement. Yuyu n’avait en effet pas pu se retenir, mais ce n’était pas pour autant le désastre redouté. J’étais tellement reconnaissante qu’il ne soit pas mort que j’ai lavé le sol avec entrain en lui parlant, avant de lui passer attentivement des lingettes bébé partout. Durant les promenades autour du pâté de maison, c’était comme si j’étais moi-même guide d’aveugle pour chien. Il fallait soulever légèrement Yuyu avec la laisse accrochée à son harnais pour le faire léviter au dessus des petites marches qu’il ne voyait pas, et le porter pour gravir les plus grandes. Dans ces moments où je le portais dans mes bras, il se tenait presque totalement raide, les pattes avant tendues devant lui, mais posait doucement sa tête sur mon épaule.
Les appartements à garder étaient toujours situés à l’ouest de la ville, dans la partie plus anglophone, où il y a en principe plus de moyens financiers. Il y avait là-bas Finn (nom complet : Finnegan), chien couleur caramel de taille moyenne que j’ai promené tous les jours de semaine pendant deux mois dans son quartier de Snowdon, qu’il pleuve ou qu’il fasse plus de trente degrés. C’était le chien d’une femme pure anglophone diplômée de médecine - d’après les cadres accrochés au mur -.
Elle avait un cathéter au-dessus de la poitrine et marchait avec difficultés. La plupart du temps quand je venais promener Finn en fin de matinée, elle était absente. J’avais un code pour actionner l’ouverture de la porte. J’entrais dans le salon au parquet sombre, d’une fraîcheur infinie grâce à la clim qui tournait dès qu’il faisait un peu chaud dehors. Finn m’attendait toujours en silence, couché sur le canapé, et me regardait la tête penchée sur le côté. Fait étonnant, il ne se levait que quand son harnais rouge était clipsé, et la laisse accrochée dessus. La première fois, ignorant qu’il suffisait d’attacher sa laisse pour qu’il se lève, je me suis épuisée à essayer de le lever de force en lui soulevant une patte puis l’autre, évidemment sans succès. Au début, comme sa propriétaire m’en avait prévenue, il avait peur de tout et avait l’air perdu dès qu’on s’éloignait de la maison, mais au bout d’un moment nous avions nos habitudes, notre circuit, l’endroit où il faisait ses petites affaires. Il était nerveux et claquait des dents quand la santé de sa maîtresse déclinait.
En fait, tout allait ensemble : si la maison était en vrac, la propriétaire visiblement partie en trombe, il fallait s’attendre à ramasser des crottes impromptues dans le salon et Finn claquait des dents au début des promenades. Mais une fois dehors, il avait l’air d’oublier petit à petit son stress. Les maisons de sa rue, nommée l’avenue Patricia, étaient de grandes et belles demeures typiques du quartier, avec leurs carrés de pelouses bien délimités.
Le quartier me devint familier comme si c’était chez moi bien que je ne sois qu’une étrangère dans ce décor. Je revois la vieille dame qui promenait son bulldog anglais et parlait souvent avec le propriétaire asiatique d’un shiba inu. A mon accablement, Finn, chien d’assez belle taille, était visiblement effrayé par l’impassible petit bulldog.
_ Is he ok ? He looks afraid, disait la vieille dame voûtée.
_ Oh it’s okay, don’t worry…
Et un peu plus loin, je reprenais le français pour parler au chien :
_ Sérieux Finn, t’as peur de lui ? Qu’est-ce qu’on va faire de toi...
Ces petits boulots m’ont permis de prendre du recul sur les animaux. Étant moi-même l’une de ces personnes qui se croit indispensable pour son chat, voir d’autres gens fous de leurs animaux m’a fait ouvrir les yeux sur mon propre comportement. On m’a demandé de repasser au domicile une deuxième fois, quelques jours avant que ne commence une garde, pour qu’un chat me voit à nouveau. On m’a laissé une feuille d’instruction qui remplissait la totalité d’une page A4 pour un week-end. Il fallait respecter les horaires de repas de certains chats comme si c’était un moment sacré alors qu’ils n’en avaient rien à secouer. Je ne devais parfois pas m’absenter plus de quatre heures par jour (en théorie). Certains chats étaient les heureux propriétaires de boîtes remplies de montagnes de jouets et 3 ou 4 arbres à chats chacun. J’ai mixé plusieurs parfums de pâtées ensembles pour que le goût ne soit pas monotone…Mais la triste vérité c’est que sauf cas exceptionnel, les chats s’adaptent incroyablement rapidement à une nouvelle personne chez eux. C’était en particulier le cas de Jack et Star, deux adorables chats de gouttière noirs qui ne se sont même pas levés quand je suis rentrée dans leur salon avec mon sac à dos de voyage. Ils se sont contentés de me ronronner dessus les yeux mi-clos comme s’ils me connaissaient depuis toujours. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces créatures quand une parfaite inconnue défait son sac et installe tranquillement ses chaussettes dans les tiroirs ? On peut parfois déceler une vague curiosité mais globalement, c’est l’indifférence.
J’ai aussi aimé l’insouciance de ces journées. Mon travail consistait à vivre chez des gens et m’occuper de leurs animaux : je pouvais ainsi découvrir de nouveaux quartiers : Griffintown, Côte-des-Neige, Ville Emard... flâner dans des coins en totale étrangère, mais comme si j’étais chez moi. J’avais souvent l’impression de vivre la vie de quelqu’un d’autre. J’observais aussi ce qui me plaisait dans les appartements afin de garder les idées pour chez moi.
Mais le pied, le vrai, c’était l’appartement de luxe où je suis restée dix jours. Une résidence sécurisée dont les parties communes ressemblaient à un hôtel, piscine sur le toit et gym, mais surtout, le petit studio avait quelque chose qui me plaisait infiniment, c’était un cocon de modernité et de bien-être, de tapis moelleux et de rangements en osier. J’ai pris plusieurs photos pour essayer de déceler à quoi tenait ce bien-être. Peut-être les couleurs, l’insonorisation, ou les rappels discrets de la tradition juive dans la décoration. Le seul problème...c’était le chat. Sous des allures de grosse peluche inoffensive, Jago avait le caractère imprévisible et violent d’une bête sauvage. J’ai encore les cicatrices de ses attaques sur le mollet gauche. S’il était contrarié parce que la promenade dans le couloir de la résidence était terminée, ou bien effrayé parce que j’avais trébuché sur l’un de ses jouets, il ripostait en se jetant sur mes jambes de toutes ses forces, griffes et dents dehors. J’en ai saigné à travers mon pantalon de survêtement...et dix minutes après ce fou furieux venait se coller amoureusement contre moi dans le lit, tel un conjoint toxique. Au moins, son comportement schizophrène m’a aidé à ne pas être trop triste de quitter l’appartement...
Chapitre 4 : Rencontres éphémères,
intentions pas très claires
Ma percée dans le monde du pet-sitting a aussi donné lieu à quelques prises de contact originales. J’ai posté une annonce sur Kijiji, l’équivalent local du Bon Coin. Une annonce agrémentée de photos de moi avec des animaux et mon numéro de téléphone, chose que je n’aurais jamais fait en France, mais là, c’était un numéro provisoire, une localisation provisoire...une vie provisoire. Bref, j’ai eu quelques appels et messages créatifs, comme il fallait s’y attendre.
_ Salut jai vue ton annonce
_ Salut, ok, tu recherches du pet sitting ?
_ Je te trouve jolie jaimerais que tu viennes sitting on me
_ ...
_ Allo
_ Oui du coup non merci
_ Pkoi. T’as pas envie d’un beau gars
_ T’es un beau gars bien sûr ?
_ Oui pkoi pas ?
_ Parce que tu cherches des meufs sur Kijiji catégorie pet-sitting
_ Jaime lidee de baiser une inconnue trouvée sur le net
_ Ok bon courage dans ce projet.
Heureusement, après des échanges aussi enrichissants, on pouvait bloquer les numéros en un seul clic, et tchao l’ami. J’ai aussi eu l’appel d’un quinqua poli et parlant bien, qui m’explique qu’il cherche à faire des rencontres, que ce n’est pas simple dans sa Province. Il me demande au passage ce que je pense de la langue française au Québec : est-ce qu’elle n’est pas trop détérioré, selon moi ?
Mais les contacts qui m’ont le plus perturbés venaient d’une personne (ou d’un groupe de personnes) qui avaient élaboré tout une histoire autour d’un chien imaginaire à garder. Au début, tout paraissait normal. Mais première puce à l’oreille (si je puis dire), tout était à faire dans la précipitation. Il fallait venir voir le chien quasiment le lendemain. Le salaire était mirobolant. Je ne pouvais jamais obtenir l’adresse exacte, mais l’interlocuteur insistait pour connaître la mienne. J’ai eu plusieurs messages de ce type avec toujours les mêmes ficelles, les mêmes mots clés qui revenaient : un jeune chiot adorable (dont l’âge et la race variaient sensiblement selon les fois), à venir garder rapidement, pour un tarif excessif. Des numéros de téléphone différents étaient utilisés à chaque fois. Dans ce cas précis, j’ai l’impression que l’arnaque visait à connaître mon adresse.
Mais la mieux élaborée, avec assurément plusieurs
personnes derrière, visait clairement à gagner de l’argent. Une arnaque mettant en scène un bichon maltais imaginaire et même une complice anglophone qui faisait semblant au téléphone d'être la gardienne précédente...
Il y a aussi eu les rencontres réelles sans aucun rapport avec mon travail. Je traîne un jour sur la Place Tranquille, dans le quartier des Spectacles, assez tôt le matin, quand un homme qui pourrait être retraité (s’il vivait en France évidemment, puisqu'ici les papis tremblants des mains sont encore en train de mettre du raisin en rayon au Super C du coin) m’aborde gentiment. Nous avons une conversation intéressante sur le Québec, la culture locale, les voyages, qui remonte mon moral, assez bas ce jour là. Il me demande mon Linkedin. Michel (nous l’appellerons Michel) et moi restons en contact et on prévoit de se revoir pour échanger sur je ne sais plus quoi. La publication de bouquins peut-être, car il a écrit plusieurs livres. Je ne sais pas s’il m’a proposé dès ce moment là d’en illustrer un, il me semble que c’est venu plus tard. Bref. Je revois Michel dans la partie commune d’une Université et j’apprends plein de choses sur la culture québécoise, les expressions locales, c’est vraiment intéressant.
Puis autre rendez-vous, cette fois au vernissage d’une exposition. Je trouve l’ambiance un peu différente. Nous sommes au milieu de beaucoup de gens, je ne suis pas toujours à mon aise. C'est ce soir là que je choisis pour réaliser que le short à 3 dollars que je porte est beaucoup trop grand. Michel discute avec des personnes qu’il connaît, et est aussi assez accaparé par le buffet (raisins, crackers, cheddar bicolore). De but en blanc il me demande ce que je pense du mariage, puis me parle de son divorce. Peut-être que nous avons épuisé les sujets intéressants sur lesquels nous pouvons nous retrouver, tout simplement. Il se lance sur la politique française. « Je trouve ça assez pathétique ce qui se passe en France en ce moment... ». Mais oui Michel, cause toujours. Tu ferais mieux de t’occuper des drogués couchés sur les trottoirs à chaque coin de rue de Montréal que de politique française, me dis-je en buvant mon jus de pomme (ce n'est pas la première fois pour moi qu'un québécois se lance de but en blanc dans un jugement négatif de la France alors que personne n'a demandé son avis, ni même manifesté le moindre intérêt pour la question. Par courtoisie, je n'irais pas dire frontalement à un étranger ce qui ne me plaît pas dans son pays, mais c'est surement culturel...). Je pars avant Michel. Une semaine ou dix jours plus tard il me propose un nouveau rendez-vous. Je lui demande si mon copain peut m’accompagner pour profiter de sa connaissance de l’Acadie, à laquelle L. s’intéresse beaucoup. Réponse de Michel : « Ah oui, l’Acadie cest bien. ».
Et je n’ai plus jamais eu de nouvelles.
Beaucoup de français expatriés au Québec mettent en avant
l’avantage sécuritaire : le Québec est safe, on peut se
balader en paix dans la rue. C’est vrai qu’à Montréal
personne ne m’a jamais embêté. On croise des gens vraiment en
mauvais point, mais il ne nous regardent pas. Les itinérants (SDF)
qui demandent de l’argent passent à quelqu’un d’autre dès que
vous leur dîtes non. Par contre il ne faut pas croire que tout est
beau et tout est bien. J’ai vu des gens prendre du crack dans une
station de métro, et un homme se piquer en pleine rue quand je
passais devant lui dans l’aprem. La drogue et la misère sont
banalisées, normalisées, des hommes dorment dehors face tournée
contre terre ou passent la journée pieds nus couchés en haut d’un
escalator de métro. Dans la grande avenue du Parc parfois il faut enjamber quatre ou cinq personnes ivres au sol pour passer. Mais c'est vrai que personne ne vous dit rien. Donc du coup je suppose que c'est safe. C'est l'essentiel pour certain. La misère normalisée de Montréal me mettait personnellement plus mal à l'aise dans mes déplacement que la question de la sécurité quand j'étais en France.
Je ne me suis sentie dans une situation potentiellement dangereuse à Montréal qu’à une seule occasion. J’attendais l’ascendeur pour descendre en bas de mon immeuble. J’entends un énorme bruit sourd tandis qu’il arrive à l’étage. Je me dis naïvement qu’il a un problème technique...puis les portes s’ouvrent, et a l’air extrêmement sombre du jeune homme à l’intérieur, je me rends compte que le bruit sourd était un coup venant de l’intérieur. Je marmonne un bonjour hésitant, auquel la personne reste de marbre, et je vois un emballage de boisson jeté au sol. J’hésite quelques secondes à entrer, je le jauge. Mon cerveau décide que c’est ok. Je rentre. Les portes se referment.
_ On descend là ?
_ Oui, l’ascenseur descend.
_ Oh putain de sa mère...j’arriverai jamais à rentrer chez moi…
_ Vous arrivez pas à aller à votre étage ?
_ Non, putain de sa mère, j’arrête pas de monter et descendre, je vais jamais y arriver…
_ Ah...des fois ça prend un peu de temps oui, mais vous allez bien y arriver.
_ Depuis tout à l’heure j’arrête pas de monter et descendre...mais je vous embête avec mes histoires.
_ Mais non...
_ Vous êtes française ?
_ Heu oui.
_ Vous êtes tellement française !
_ Heu...
Il m’est arrivé de vouloir rencontrer des gens de mon plein gré
aussi, quelques fois. J’ai rejoint un super groupe de motivation
pour l’écriture, je me suis proposée pour du bénévolat à la
BanQ (énorme bibliothèque de Montréal), je suis rentrée dans un groupe de discussion facebook du genre
« Les françaises à Montréal - Sorties ». J’ai pris
un bus pour rejoindre cinq ou six filles inconnues dans un
bar-restaurant. Chacune avait un parcours et des expériences
différentes à partager. J’ai relevé amèrement la différence
entre cette conversation entre inconnues, et les échanges qu’on
pouvait avoir dans un groupe de garçons auquel je me suis intégrée
une ou deux fois avec L. Entre filles : un vrai partage
d’informations, une écoute réelle de chacune, des discussions
pour avancer. Entre garçons : « Moi je gagne tant, je me
fais vraiment plus d’argent ici qu’en France.» Ou bien « J’ai trouvé des
pilules par terre au dernier festival, hâte de les essayer
tranquille ». Essentiellement des discussions pour se mettre en avant, l'argent, et des
blagues. Ce n’est pas la première fois que je constate que les
liens entre filles font vraiment avancer les filles. Et pourtant en général,
de manière désespérante, nous privilégions dans nos vies les
liens avec les garçons. C'était en tout cas mon cas jusqu'à ce moment là. Mais même si je n'en ai pas l'impression et que je peux être solitaire sans douleur, j'ai aussi besoin d'autres cercles, qui n'appartiennent qu'à moi, pour qu'une relation amoureuse reste plus saine et ne s'épuise pas sur elle-même. Une leçon que j'aurais mis du temps à vraiment comprendre.
Chapitre 5 : Un petit tour et puis s’en va (fin)
Quatre mois et demi sont passés. Sept heures d’avion et une demi journée en train : finalement, Montréal n’est pas si loin de la Corrèze, et pourtant le retour a été comme passer d’un monde à un autre. C’est qu’il s’agit de quitter une ville de plus d’un million d’habitants pour un village d’à peine 900 âmes. En arrivant, même Toulouse m’avait l’air anormalement dépeuplée. Il y a donc, les premiers jours après le retour, un sentiment diffus d’étrangeté : le calme et le silence semblent anormaux. La première nuit surtout, je prends peur à la fenêtre de ma chambre : il n’y a quasiment aucune lumière dehors, c’est le noir complet, je n’ai pas vu ça depuis quatre mois et j’ai l’impression que ma fenêtre est une ouverture sur le vide, sur le néant, que si je me penche trop, je vais tomber dans les profondeurs d’un puits. En plus, je rentre pour retrouver ma voiture en panne pendant un mois, ce qui me propulse de la vie au cœur d’une métropole où je n’ai qu’à prendre un ascenseur pour être dans le métro, à la vie dans un village de France sans transports en commun, où je pars dans les chemins ramasser du petit bois et des brassées de feuilles mortes pour faire démarrer le feu du poêle.
Le retour, c’est aussi tout un quotidien, fait d’habitudes et de
petits liens difficilement construits, qui disparaît en une journée.
J’entends encore le grincement caractéristique de la porte noire
du vieux placard de la cuisine quand on l’ouvrait pour se servir en
bonbons ou en pépites de chocolat, je me revois faire mon
sac à dos noir tous les jours pour partir m’aventurer dans la
ville via le métro, et les stations à la chaleur moite de la ligne
orange, direction Côte Vertu ou Montmorency : Berri-Uqam,
Champs-de-Mars, Place d’Armes...
Quant à la bibliothèque Westmount pour
laquelle j’ai eu un coup de foudre quelques jours avant le départ,
comme la découverte d’un lieu de rêve matérialisé dans le monde
réel, je n’y remettrai sans doute pas les pieds de ma vie. C’était
une journée magique avec L. Une journée où nous avons pas mal
couru après des bus dans ce beau quartier de Westmount, moi en
talons compensés et robe noire et jaune achetée dans un Magasin
d’Occasion pour cinq dollars, lui en baskets (heureusement pour l'efficacité dans ces courses). Enfin le fait d'être rentrée seule rend ce retour encore plus perturbant. C'était mon choix, mais je n'avais pas conscience que le décalage serait aussi difficile. Une autre leçon de cette aventure : on peut perdre gros si vite.
Qu’est-ce que j’ai aimé du voyage ? Dans une grande ville anonyme comme celle-ci, les possibilités semblaient infinies : jamais on ne peut s’ennuyer, et chaque jour, on peut être qui l’on veut, car personne ne nous connaît...Pas besoin d’hésiter avant de mettre une mini-jupe ou un rouge à lèvres qui pète, car ici tout le monde s’en fout.
Le style québécois mériterait un chapitre à lui tout seul. Pour résumer : tout est permis, rien ne choque personne, et rien n’est jamais trop dépassé. Parfois, on se croit propulsé dans les années 2000. Puis 90. Puis peut-être même 80, qu’on reconnaît sans y avoir jamais vécu. Un style courant chez les garçons de 20 à 30 ans, c’est le combo grosses lunettes carrées, moustache, coupe mulet, chaussettes hautes, fringues de friperie, et éventuellement de gros tatouages sur leurs mollets. Une fringue qui revient très souvent chez les filles : le bermuda large en jean. On voit quelques jupes plus courtes que courtes, du genre qui permettent de savoir si la personne était assise dans le métro depuis longtemps, en fonction des marques du siège sur ses fesses. Après, j’ai vu un mec en jupe simili cuir et masque de Batman à vélo, et personne qui ne bronche autour. Ou bien le coup classique de l’homme parfaitement banal, dans le Village (le quartier gay), sauf qu’il porte des talons aiguilles. Mais l’impression la plus inoubliable m’a été faite par un petit groupe d’amis au style tout à fait passe-partout, excepté l’un d’eux qui courrait bruyamment en ghetta. C’était la première fois que je voyais en vrai ces chaussures traditionnelles japonaises, et déplacé dans le contexte moderne de Montréal avec l’effet de surprise, c’était tordant. La seule fois où j’ai vu des québécois surpris par l’accoutrement de quelqu’un, il s’agissait d’un homme assez enrobé qui marchait fièrement dans un costume entièrement taillé dans du tissus à motifs mappemonde. C’est à dire qu’il avait sur tout le corps des cartes du monde dans des tons pastels, roses et bleus.
Mais pour revenir aux possibilités offertes par cette ville : se déplacer quasiment partout de manière illimitée, en s’allégeant simplement d’environ 90 dollars par mois pour une carte de transports. Et à vous la ville le jour, la nuit, dans un sens ou dans l’autre. Aussi, les bibliothèques sont formidables. À la BAnQ (Bibliothèques et archives nationales du Québec) il y a tout ce que vous pouvez chercher et bien plus encore. La plus grande et la plus complètes des médiathèques que je n’ai jamais vu.
Bref, ce voyage m'a apporté, pour commencer : plus d’empathie pour les étrangers qui doivent s’adapter à un pays nouveau. J'ai compris à quel point il peut être difficile de paraître à son avantage lorsqu’on est un étranger. Sans les codes du quotidien, sans la langue. Et sans grands moyens financiers pour s’habiller correctement, ou garder son seul sac à dos, son unique paire de chaussures toujours propres. Quand on ne l’a pas vécu on se dit oui, c’est logique. Mais moi il m’aura vraiment fallu le vivre pour me rendre compte. Notamment, comment devoir s’exprimer dans une langue mal maîtrisée à l’oral vous ôte brusquement toute apparence d’intelligence.
Ensuite, la capacité de relativiser les difficultés. Mieux apprécier la vie en France et ce qu’elle peut offrir. Beaucoup de ressources pour mon mémoire grâce à la BanQ. Des découvertes. Une approche différente du dessin et de l’écriture : j’ai compris que je ne suis pas la seule à utiliser plusieurs moyens d’expression et à être tentée par plusieurs choses, mais je n’ai pas à choisir ou à abandonner. Une progression en écriture grâce au groupe de motivation de Montréal.
C'est une aventure dont il ne reste finalement pas grand-chose à part des souvenirs, des fringues, trois attrapes-rêves, deux savons, plusieurs milliers d’euros en moins sur mon compte, ce texte, et de nombreuses expériences nouvelles. Même si tout ne s’est pas passé comme sur un nuage, je suis heureuse d’avoir eu l’immense et improbable chance de la vivre.
Ma playlist québécoise :
Emile Bilodeau - ça va
Lisa Leblanc (qui est acadienne) - Câlisse-moi là
Bleu Jean Bleu - Coton ouaté
Jérôme 50 - Tokébakicitte
Dédé Fortin - Donne moy une job
Les cowboys fringants - Tant qu'on aura de l'amour
Jean Leloup - I Lost my baby
Bouquins inoubliables :
Michel Tremblay - La nuit des Princes Charmants
Dany Laferriere - Chronique de la dérive douce
Zviane, Iris - L'Ostie d'chat (BD)
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